Aujourd’hui, je t’apprends à réaliser une belle robe à la Pompadour. On a vu dans un article précédent comment se préparer à un bal costumé et mes inspirations pour réaliser ma 1ère robe à la française (j’avais déjà réalisé plusieurs robes à l’anglaise ici et ici), puis comment coudre les sous-vêtement XVIIIème appropriés. Nous allons maintenant passer à la réalisation et la décoration de ma robe à la française violette.
Comment reconnaitre une « robe à la Française »
La robe à la française, c’est un peu le tailleur pantalon du XVIIIème : on la porte pour être « habillée » et elle reste à la mode tout au long du siècle.
On la reconnait à son dos. S’il présente des plis watteau, il s’agit d’une robe à la française, si le dos est plat, il s’agit d’un autre genre de robe (robe à l’anglaise, à la turque, à la circassienne…).
Pour savoir reconnaitre tous les types de robes qui ont jalonnées les 100 ans de 1699 à 1800, tu peux aller regarder la vidéo très complète de Fanny Wilk du blog Temps D’élégance.
Dans ma version en taffeta de soie, elle sera portée par la haute bourgeoisie (qui commence à se faire une place au soleil durant le XVIIIème) et bien sûr par la noblesse.
La plèbe y aura droit aussi mais dans une version plus sobre : en lin, avec de plus petits paniers et moins de froufrous, dans de jolis imprimés indiens par exemple.
La robe à la Française est un peu moins formelle que le « grand habit » une tenue de cours que l’on ne porte que dans les TRÈS grandes occasions : mariage princier, fête à la cours… C’est un monstre de plusieurs mètres d’envergure lourd, très rigide, ultra fastueux, bref c’est la robe que choisirait Kim Kardashian pour se rendre au Met Galla si elle avait le choix (on ne va pas lui souffler l’idée, des fois qu’elle oserait sortir une autre robe de musée pour la porter.)
Si tu veux en savoir plus sur cette robe, je te renvoie vers l’article de Fanny sur son grand habit.
Moi je me suis concentrée sur un projet à ma mesure, une robe à la française beaucoup plus facilement mettable.
Quel Patron utiliser pour coudre une robe à la Française ?
La base d’une robe historique est toujours construite sur les sous-vêtements d’époque. Ils donneront la forme souhaitée et la robe ne pourra pas être portée sans ces derniers.
Je suis donc partie de cette base + de patrons de robes déjà réalisées pour créer la robe souhaitée.
Je n’avais jamais réalisé de plis Watteau, j’avais donc besoin d’un patron et d’instructions pour comprendre comment ils étaient cousus au reste de la robe.
Voici les 3 sources principales qui m’ont permis de coudre la robe :
- Un patron de base déjà en ma possession le 3637 de Simplicity adapté par technique de moulage
- Le livre d’American Duchess
- Les vidéos de création d’Enchanted Roses Costumes
C’est une robe assez complexe que je ne te conseille pas si c’est ta 1ère robe XVIIIème, une robe à l’anglaise sera nettement plus abordable et tout aussi jolie.
Si tu es dotée d’un solide niveau de couture « normale », motivée et plutôt débrouillarde, n’hésite pas à te lancer c’est une de mes robes préférées (que j’aime encore plus que ma robe de mariée !)
Il existe de bons patrons historiques pour ce genre de robe mais attention ils ne sont pas faciles à suivre. Tout patron demandera de toute façon des ajustements, c’est ça qui m’a pris le plus de temps !
Ce Patron Robe à la Française de JP Ryan est un point de départ, celui-ci aussi sur Nehelenia Patterns (un site Européen, moins cher que l’achat sur des sites américains)
La forme générale est assez simple : pas de pinces ni de système de fermeture complexe, mais c’est un vêtement qui doit te coller à la peau comme un gant bien ajusté. Et ça en couture, c’est le plus dur, ainsi que mes élèves te le diront.
Mouler le buste de la robe à la française
Le buste de la robe est intégralement doublé. J’ai choisi un petit coton tout simple comme doublure, il s’agit du tissu dont je me sert pour patroner.
Fidèle à ma technique favorite, j’ai réalisé une toile dans ce tissu (c’est à dire une version test). Deux tests, plus tard j’ai pu réutiliser la dernière version comme doublure.
Elle est très importante car c’est sur elle que vont tenir les plis du dos de la robe. Un ingénieux système de petits noeuds permettent d’ajuster la robe à la taille de la femme qui la porte. Un détail totalement d’époque qui colle parfaitement avec l’idée d’une robe très couteuse qui doit pouvoir être portée longtemps et potentiellement par plusieurs personnes.
A cette époque pré pillule, on tombe enceinte facilement, on tombe malade et on maigrit, on prend du poids avec l’âge… Il ne saurait question de changer de robe tous les 15 jours pour s’adapter, c’est au vêtement d’être assez bien conçu pour suivre les fluctuations de sa maîtresse.
Une leçon qu’on ferait d’ailleurs bien de retenir à notre époque moderne … hum hum….
La réalisation de cette base est la plus fastidieuse. J’ai un mannequin de couture qui m’aide à m’approcher de la bonne taille. Néanmoins ce dernier est « dur » et ne réagit pas comme mon propre buste plus « mou ».
A chaque essayage, il faut dont ré-enfiler sont corps baleiné, le serrer et tout installer dessus. C’est la seule façon de s’assurer que le vêtement porté sera à la bonne taille.
Je finis généralement par le porter pendant la couture avec un peignoir par dessus, ça va plus vite que d’avoir à se déshabiller 20 fois !
A noter la robe (ou plutôt « le manteau de robe ») est très léger. C’est l’avantage de travailler avec une soie fine plutôt qu’un tissu d’ameublement. Ce manteau géant n’a pas de baleine rigide, il se plie facilement et la robe toute seule rentre dans un petit sac à main sans problème.
Réaliser les manches
Si je me suis bien amusée avec le devant du buste et sa doublure, les manches m’ont donné plus de fil à retordre.
La manche de la robe à la française n’est pas une manche bouffante. Au contraire, elle doit coller l’épaule et ne pas accentuer la carrure. MAIS il faut aussi permettre un minimum de mouvement au bras.
La tête de manche (la partie arrondie en haute de la manche qui vient couvrir l’épaule) prévoie donc des plis dans le tissu. Ils sont couchés vers l’arrière pour créer deux plis qu’on ne voit pas depuis l’avant.
Le couture de fermeture de la manche, contrairement aux vêtements modernes n’est pas sous le bras mais légèrement sur l’avant. La manche « serrée » doit s’arrêter dans le creux du coude pour faire place aux fronces typiques du style (et idéalement aux engageantes, des grands froufrous de dentelle qu’on vient ajouter à l’ensemble).
Bref autant de surprise qui ont fait de l’exercice un bon casse tête.
J’ai trouvé la solution finale dans le livre d’American Duchess : la manche est épinglée depuis l’endroit au lieu de la technique de manche moderne.
Et après pas mal de tentative infructueuse, bam ! Les manches étaient achevées.
Créer la pièce d’estomac
La robe à la française ne se ferme pas avec un zip évidemment (ils ne seront inventés qu’au XXème siècle). Alors comment fermer facilement la robe tout en offrant des possibilités d’ajustement au fil des variations de poids ?
Réponse : la pièce d’estomac !
La robe est un vrai « manteau » avec une large ouverture sur le devant.
Cet ouverture est ensuite bouchée par un panneau décoré de moultes falbalas. On appelle cette partie de la robe une « pièce d’estomac ». Ce dernier pouvait d’ailleurs être porté avec différentes robes pour changer de look sans tout racheter.
Il doit être bien rigide et peut être assez chargé en décorations.
J’ai utilisé un entoilage ultra rigide (qu’on utilise pour les chapeaux) + une couche de lin épais et rigide + 1 couche de soie + des déco (et une doublure sur l’envers pour faire + propre).
Il m’a fallu quelques test avant de trouver le design qui me satisfasse, Il n’est pas issu d’une robe en particulier mais collait bien avec l’idée de que je me fais du style de l’époque.
Les plis Watteau
Bon à cet instant je ne pouvais plus tourner autour du pot ! Il fallait fermer le buste en réalisant les fameux plis du dos.
Une opération est délicate car tout est d’un seul tenant. Le plis part de la base de la nuque et descend jusqu’aux pieds sans interruption.
En même temps, les côtés doivent venir s’aplatir sur le panier pour réaliser la jupe du manteau et tomber gracieusement jusqu’au sol.
Pas le moment de se rater avec une soie à 20$ le mètre.
C’est là que les vidéos de Enchanted Roses ont été précieuses, pour comprendre où se positionnent les coutures.
Il existe peu de contenus de ce genre en Français, il va vraiment falloir que je m’y mette !
Le manteau de robe terminé, voilà ce que ça donnait
La jupe
Une fois le manteau réalisé, le plus gros est passé, on peut se concentrer sur la dernière grosse pièce : la jupe !
Elle se réalise de la même manière que le jupon, il est assez facile de façonner les plis à la main. On vient ajuster les côtés sur les paniers (of course) pour que l’ourlet final soit égal.
Je ne te conseille pas de prévoir un ourlet le plus long possible, au contraire il sera plus facile de marcher avec tout cet attirail si tu dégages un peu le pied.
Les Décorations
Maintenant que la robe est portable, il reste encore pas mal de travail en réalité ! Et oui qui dit tissu uni dit grand lachage sur les déco par milliers !
Froufrous galons, dorure, dentelles…. Il ne faut pas être timide car c’est ça qui fait passer un déguisement au stage de costume d’époque !
Moi qui pensais avoir chargé la mule, j’ai regretté de ne pas avoir eu la main plus lourde en voyant d’autres créations du même genre !
Et voilà, ici s’achève le récit de la construction de ma robe à la française !
As-tu des questions ? des points sur lesquels tu cales de ton côté ? Pose les moi commentaires ! J’ai aussi plus de vidéos et photos sur mon compte instagram, vient y faire un tour si tu aimes ce genre de sujet :