Aller à un Bal Costumé : Designer son Costume pour Versailles

Cette semaine je t’invite dans ma petite tête. On va suivre tout(es) les deux le processus de création de mon costume le plus abouti : la robe à la française portée au grand bal des Fêtes Galantes de Versailles. Si tu as raté les préparatifs du bal, va jeter d’abord un oeil à cet article. Si tu es prêt(e), suis moi, je vais te montrer comment on passe du rêve à la création…

robe versaille inspiration

Pourquoi faire un costume soi-même ?

Imagine que nous prenions une café toutes les deux en terrasse. On est encore en Août après tout, il faut en profiter. Et là tu me demandes ce que je voudrais coudre si je n’avais plus qu’un vêtement à créer avant de mourir.

Bon ok c’est un peu trop mélodramatique. Mais tu comprends l’idée.

Je sais déjà ce que je te répondrais : une robe historique.

Parmis tous les vêtements et accessoirs que je crée, l’art du costume est ce qui captive le plus mon imagination. Cela peut paraître étrange à notre époque qui aime l’éphémère et l’immédiat, mais je trouve une certaine volupté dans la difficulté même de l’exercice. Ne pas savoir comment je vais m’en sortir, ne pas accéder tout de suite à un tuto tout prêt et facile à suivre fait partie du plaisir créatif.

Ce n’est pas seulement copier un vêtement vu dans une boutique, c’est mobiliser toutes les ressources de son petit cerveau pour rentrer dans la peau d’un être imaginaire, ou se sentir vivante à la façon d’une femme du XVIIIème siècle.

robe couture 18ème
Portrait au fusain de Mme de Pompadour, conservé au Louvre

La robe à la Française

J’en suis maintenant à mon 10 ou 11ème costume : la sirène, la reine de coeur, la marquise, le vampire… La galerie de personnages s’allonge petit à petit. Et chaque expérience est l’occasion de tester à d’améliorer ma technique.

Et pour le coup, réaliser une robe à la Française était un sacré challenge !

déguisement reine de coeur halloween
ma précédente robe XVIIIème, une robe à l’anglaise modifiée en « round gown »

La Robe à la Française du point de vue de l’histoire de la mode est un type bien particulier de robe d’époque. Elle est emblématique du XVIIIème siècle car elle a beaucoup été portée à la Cour de France (et ailleurs en Europe). Tu as surement vu des portraits de Madame de Pompadour la portant par exemple. Elle est reconnaissable en un clin d’oeil par son dos très particulier.

Il est construit à base de larges plis dit « Watteau » car le peintre en choisit beaucoup comme modèles de ses tableaux. C’est lui qui popularise l’esprit des Fêtes Galantes (les vrais) de la période de la Régence (entre la mort de Louis XIV et la majorité de Louis XV) où l’on rêve une vie oisive allant de pic-nics champêtres en bals lumineux.

Il n’y a qu’à regarder les titres de ses oeuvres pour donner le tom : la proposition embarrassante, le plaisir pastoral, l’amour désarmé…

watteau la déclaration d'amour
A droite le dos de la robe montre les fameux plis. La Déclaration d’amour, Jean-François de Troy, 1731, Stiftung Preussische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg

La robe se porte sur une succession de dessous d’époque et se monte à l’aide de plusieurs pièces. Cette vidéo montre très bien les différentes étapes d’installation des couches successives (même s’il ne s’agit pas d’une robe à la française)

 

 

Voici les pièces à réaliser pour bien la porter :

  • 1 chemise (longue robe lâche qui se porte à même la peau
  • 1 corset baleiné
  • 1 système de paniers (pour donner à la robe tout son gonflant)
  • 1 jupon de dessus
  • 1 jupe de dessus (en beau tissus)
  • 1 manteau de robe (en beau tissus)
  • 1 poche

Autant dire qu’on se s’embarque pas dans un projet pareil de la veille pour le lendemain !

Le timing

 

couture robe watteau
Une idée du bazar qui règne dans mon appart quand je me lance dans mes recherches de costumes

Plus je rencontre de costumières plus je réalise que le timing d’un costume est vraiment…à géométrie variable ! Si certains costumes sont réalisés en dernière minute (= une semaine avant), la plupart des superbes robes croisées sur les costumières les plus douées (comme les costumières de cet article) ont généralement été réalisées sur plusieurs années.

 

Oui,oui, je dis bien annéeS.

robe versailles couture construction
Photo : F_elip

 

Le temps de trouver le bon tissu, le temps de maîtriser les techniques (corsetterie, couture à la main, travail de matière noble, broderie etc.), le temps de se décider sur le modèle de ses rêves…

Le temps de réaliser les dessous adéquats aussi. Qui prennent autant de temps à créer que la robe elle-même. Et qui ne sont pas les mêmes en fonction des périodes de l’histoire. Une robe XVIIIème n’aura pas du tout le même effet sous un vertugadin XVIème par exemple, ou même portée sans corset, ainsi qu’indiqué dans mon précédent article sur les préparatifs.

Evidemment, chaque costume agrandit tes compétences de couturière, ce qui fait gagner un peu de temps. C’est la raison pour laquelle les costumières amateurs aiment travailler sur une période particulière. J’en suis par exemple à ma troisième robe XVIIIème (Une robe à l’anglaise rouge, Une robe à l’anglaise retroussée rayée et maintenant une robe à la française violette) ce qui me donne des astuces sur comment bien ajuster la robe au buste par exemple.

robe construction couture

Voici le timing général de création de cette robe (1 an de travail en discontinu)

  • Juillet 2018 : création de la chemise, des bas, des jartières, de la poche, d’une partie du corset, couture (à la main) du jupon de dessous
  • Janvier 2019 : reprise et finalisation du corset
  • Février 2019 : création du panier
  • Mars à Mai 2019 : création de la robe

En terme de travail voici ce que cela donne (à gros trait) :

  • Bas – 5 minutes
  • Jarretières – 2h
  • chemise – 4h
  • jupon de dessus – 5h
  • corset baleiné – 10h
  • paniers – 10h
  • jupe de dessous – 6h
  • manteau de robe – 20h

L’inspiration

Sans être une totale experte de la question je me sentais assez solide pour tenter le graal de la couture historique : reproduire un portrait. Ou du moins, m’en approcher autant que possible.

Voici le modèle à partir duquel je suis parti pour créer ma robe.

Marie Suzanne Giroust, by Alexander Roslin
Marie Suzanne Giroust, par Alexandre Roselin, 1770

La femme représentée est très intéressante. Elle s’appelle Marie Suzanne Giroust. Ca ne te dit rien ? Et pourtant c’est une femme peintre de la trempe des Vigée-Lebrun ou des Artemisia Gentileschi. Une femme des lumières, cultivée et qui ose vivre de son art à une époque où cela fait grincer des dents. Elle se spécialise dans le portrait au pastel et sera accepté à l’Académie Française, suprême reconnaissance à l’époque, surtout quand on est une femme. Tu connais peut être un peu mieux son époux, Alexandre Roslin, qui la découvre en visitant un atelier de confrère (elle y est élève) tombe amoureux et remuera ciel et terre pour l’épouser (5 ans plus tard).

Il la peindra de nombreuses fois dont ce portrait que je trouve saisissant.

Travailler à partir d’un portrait d’époque

Comme indiqué dans mon précédent article, s’inspirer d’un costume de film ne garantit pas de se rapprocher d’une véritable robe d’époque.

Lorsqu’on travaille à partir d’un portrait peint par un contemporain, on sait qu’on est davantage sur la bonne piste : si le sujet a choisit de se faire peindre dedans (ou que le peintre a choisit pour elle) c’est que cette robe était importante pour elle, surement sa plus belle.

robe à la française

L’ennui c’est qu’on ne peut pas toucher le tissu, ni le regarder sous un autre angle pour comprendre comment il est fait.

Il faut donc utiliser sa jugeotte, ses connaissances historiques et son expérience couture pour déduire comment reproduire la dite robe.

Le Taffeta de soie

On reconnaît facilement le tissu rose principal de la robe. Il s’agit probablement d’un taffeta de soie car :

  • Le peintre a saisi les reflets brillant du tissu
  • Les plis « tiennent tous seuls » et sont bien marqués (signe d’un tissu pas trop mou)
  • Le taffeta de soie est indiqué comme une matière très fréquemment utilisée à l’époque

robe à la française

Les décorations

Les décorations sont réalisées en tissu de type dentelle métallique. En version argenté ou doré, ce type d’ornement était très populaire sous l’ancien régime car cela brille sous les feux des bougies = on te repère facilement = tu as gagné.

La présence de noeud est aussi saisissante et donne tout son cachet à la robe.

j’avais envie d’incarner cette femme et ce qu’elle représente de son temps, le bon, comme le mauvais.

robe à la française

Acheter le Matériel

Lorsqu’on passe à la partie achat du tissu, c’est que cela devient sérieux. Le costume cesse d’être un rêve flou de ton esprit pour devenir un investissement concret. Ces 10 mètres de soie que tu va acheter vont devoir se transformer en quelque chose sinon tu t’en mordra les doigts !

Pour faire un costume réussi, il faut bien choisir son tissu. Confortable et joli sont mes deux mots d’ordre.

robe à la française

J’ai toujours une visions idéalisée de ce que je recherche mais je prépare aussi un ou deux plans B. Je prépare aussi un papier avec le métrage exacte de chaque tissu nécessaire. En n’oubliant pas les tissus moins « sexy » du genre coton pour doubler un corsage. Ils font moins plaisir à acheter mais seront tout aussi nécessaire à créer le costume.

Car une fois dans la boutique, c’est dur de garder la tête froide. On est entouré de pleins d’options tentante et si tu n’as pas réfléchi ton projet, tu as tôt fait de viser une superbe soie à 24$ le mètre qui fera exploser le budget…

Les Sous Vêtements

Les couches invisibles (chemise, corset, jupon) ont été réalisés en lin et en coton uni, en blanc et crème. C’est moins excitant qu’une jolie soie brodée mais comme ces derniers vont être portés avec de multiples costumes cela leur permet de :

  • rester invisible, même sous une diaphane chemise à la reine
  • d’être lavable à forte température pour garder le costume en bon état.
  • Et c’est aussi parfaitement correcte historiquement.
robe à la française
Ce qui se passe vraiment dans l’atelier : mal coiffée, en chausson et lunette tard le soir

La robe principale

Pour la pièce de résistance (la robe supérieure), je n’ai pas trouvé la nuance de rose du tableau dans un budget acceptable, j’ai donc opté pour la couleur lavande. En suivant les conseils du livre d’American Duchess je suis partie sur 10 mètres de ce tissu (à 15$ le mètre si mes souvenir sont bons).

J’ai choisi un taffeta de soie couleur lavande. Brillant, avec de la tenue, il magnifie les plis et est un plaisir à sentir glisser sous ses doigts.

robe à la française

J’avais prévu de réaliser le dos de la jupe du dessous (qui n’allait pas se voir) en tissu moins cher ….

Détail que j’ai complètement zappé au moment de sa réalisation ! Ce qui m’a occasionné quelques sueurs froides au moment de la réalisation de la robe : je n’avais aucun rab en cas de faute majeur me contraignant à recouper une pièce.

Voici ce qui me restait à la fin de la réalisation de la robe … Pas grand chose !

Je conserverai d’ailleurs précieusement ces chutes en cas de réparations à réaliser sur la robe…

Les décorations

L’uni permet d’y aller franco sur les décorations et froufrous en tout genre sans craindre de faire d’erreur de raccord motifs.

Dans une des mes adresses tissu préférée de San Francisco, j’avais trouvé ce galon en dentelle argenté que j’ai trouvé idéal pour mon projet : petit motif délicat, pas trop brillant qui donnerait un « effet plastic ».

J’ai ai pris 10 mètre mais j’aurai pu en prendre 2 fois plus si j’avais souhaité réaliser le motif exact de la peinture…

Pour apporter du contraste, j’ai choisi de rajouter des détails dans une autre couleur. Un choix esthétique repéré vu sur certaines robes d’époque.

J’ai pour cela utilisé un autre taffeta de soie dont il me restait des chutes issues de cette robe vintage réalisée un peu plus tôt cette année :

View this post on Instagram

Oh week of Easter, how beautiful you look from this balcony ?? __________ Hello toi, vacances de Pâques ! Ça fait longtemps que je t'attendais ? . Et toi ce sera plutôt weekend couture ✂️ou weekend nature ?️ ? . Moi comme la photo ne le montre pas du tout ce sera première visite des Pyrénées ! ? . Mais je te rassure j'emmène aussi un peu de broderie dans mes valises ? pour préparer le prochain cours ?brode ton jean ? avec @chezpaulettebarcelona.born . ? 14 Mai : 11h – 14h Inscription déjà ouverte sur leur site ! . #coutureaddict #instacouture #instasewing #blogueusecouture #blogcouture #expatlife #bcn #barcelona #jeportecequejecouds #jecoudsmagarderobecapsule2018 #jecouds #fashionrevolution #easter #semanasanta

A post shared by Sewing / Couture – Barcelone (@atelier_marquise) on

 

Se Lancer

Quand on se lance dans un projet pareil, on est tentée de se rassurer en achetant tous les bouquins disponibles sur le sujet. Comme déjà évoqué dans cet article, il faut résister et se concentrer sur quelques volumes indispensables.

Dans mon cas les éléments qui m’ont été le plus utiles ont été :

Les plus grands enseignements en couture se font toujours une aiguille à la main. Tu peux regarder tous les tuto Youtube de la terre, seule le fait de t’exposer toi-même à l’exercice t’enseignera véritablement la bonne manière de progresser.

Oui tu vas gâcher un peu de tissu. Non ce n’est pas grave.

Je suis restée un certain nombre de fois bloquée devant le tissu, incapable de me décider sur la coupe et sachant pertinemment que je n’avais pas trop droit à l’erreur….

Une fois passé ce constat, j’ai respiré un bon coup, et je me suis lancée.

robe à la française

 

Je te raconterai comment cela s’est passé dans le prochain épisode !

Cet article est d’ailleur un excellent aide mémoire vu que je me lance en moment dans les préparatifs de mon costume d’Halloween…

Et toi, as-tu déjà eu envie de faire un costume ?

Raconte moi ça dans les commentaires !

 

  1. C’est très impressionnant cette réalisation. Que d’heures de travail et de doutes, mais quel résultat.
    Si tu veux porter à nouveau cette robe en France, le chateau de Vaux le Vicomte organise chaque année une fête du même genre, en plus champêtre. Vaux le Vicomte qui se situe aussi en région parisienne, est en quelque sorte l’esquisse de Versaille, les mêmes artistes y ont travaillé pour créer une ambiance tout à fait particulière aux chateaux du XVIIe siecle français. Avec plaisir pour t’y guidée si tu es tentée.

    1. Bonjour Françoise,

      Merci pour ton retour ! J’aimerai beaucoup assister à la journée grand siècle l’an prochain ! J’en ai entendu de bons échos et c’est un peu plus raisonnable niveau budget… Tout sera une question de timing ! Je te fais signe si je décide de m’y rendre ;-). Fais tu tes costumes aussi ?
      La bise
      Alicia

  2. bonjour, merci pour ce belle article, je rêve de me faire une robe à la Francaise. J’ ai commencé à réalisé le panier.
    Pour le patron de la robe à la Francaise, vous avez utilisé le patron de JP Ryan ?
    Je vous remercie de votre réponse.
    Et bravo pour votre blog.
    Marie

    1. Bonjour Marie,

      merci pour ton message ! Ça me fait penser qu’il faut vraiment que je finisse les articles sur cette robe ! En l’occurrence elle est presque intégralement patronnée à la main (ce qui veut dire que je n’ai pas utilisé de patron du commerce). En fait je suis partie de mon patron de robe à l’anglaise JP ryan (je te mets un autre article ci-dessous qui expliaue ça plus en détails) Mais ce n’est pas très simple si tu débutes en couture, je te recommande de passer par un autre patron JP ryan : https://neheleniapatterns.com/produkt/robe-a-la-francaise-pet-en-lair-jpr-robe/?lang=en

      J’espère que cela t’aidera ! N’hésite pas à me donner des nouvelles ou me poser des questions via Instagram ( @atelier_marquise) c’est là que je suis la plus réactive 😉 https://www.instagram.com/atelier_marquise/?hl=fr

      l’article sur la robe à L,anglaise https://marquiseelectrique.com/fr/halloween-costume-reine-de-coeur/

  3. Bonjour,

    Votre blog est intéressant, et franchement très constructif pour quelqu’un qui veux se lancer dans la réalisation d’une robe aussi imposante !
    Néanmoins une question s’offre à moi, lors de vos différents article vous avez citer deux patrons qui vous ont inspiré lors de votre création, le simplycity et le patron de Jp rayan, d’après votre avis et votre expérience le quelle trouvez-vous le plus pertinent et le plus facile à travailler pour obtenir un résultat proche du votre ?

Un avis, une question? A vous le micro !